Pierre Sans-culotte et Marie Antoinette, bébés des guerres de Vendée.

En septembre et octobre 1794, alors que notre bocage connaissait la période la plus sombre de son histoire,  sont nés à quelques jours d’intervalle deux bébés de familles en exil de Moncoutant et de Pugny.  A une autre époque, ils auraient pu jouer ensemble dans la même cour d’école, mais leurs prénoms auraient rapidement mis en évidence les haines de la guerre civile qui a opposé leurs parents.

Pierre Sans-culotte Puichaud

Le 22 septembre 1794 à François,  commune à 15km à l’est de Niort, est né Pierre Louis Sans-culotte Puichaud, fils de Pierre Louis Puichaud et de Rénée Louise Colombe Girard.

Voici la transcription de l’acte de naissance :

Le 1er vendémaire ou 22 septembre vieux style 1794, l’an troisième de la république française, par devant nous Jacques Pierre Cassin officier public nommé pour recevoir dans cette commune les déclarations de naissance, a comparu Pierre Louis Puichaud, fermier, demeurant Availles en cette commune, lequel assisté de Pierre Dominique Taffoiraud, teinturier, demeurant au dit lieu d’Availles agé de 28 ans et de Françoise Soullier âgée de 39 ans a déclaré que Renée Louise Colombe Girard sa femme a accouché dans cette commune aujourd’hui sur les deux heures après minuit d’un garçon qui a été apporté au présent lieu auquel il a été imposé le prénom de Pierre Louis Sans-culotte Puichaud. De laquelle déclaration il a été requis et donné acte et ont les déclarants et témoins signés sauf ceux qui ont déclaré ne savoir signer. 

Signatures : Pierre Louis Puichaud-Girard et Cassin officier public

Extrait de l’acte de naissance qui mentionne « a été imposé le nom de Pierre louis Sans-culotte ». AD 79 François Naissances An 2 – an 10. Vue 10/61

Le père de l’enfant est un riche bourgeois républicain de Moncoutant et grand acquéreur de biens nationaux. Il est alors réfugié avec sa famille ( 3 jeunes enfants) dans la région niortaise après s’être enfui du bocage où sa vie était menacée par les bandes vendéennes. La mère du bébé, Renée Louise Colombe Girard,  est la sœur du notaire de Clazay Jean Clair Girard, ardent républicain qui lors de son décès en 1818 n’aura que difficilement un prêtre pour procéder à ses obsèques. Le cadre de l’exil du couple Puichaud est confortable, puisque le village d’Availles où naît le bébé est un château situé sur les bords de la Sèvre.

Le premier témoin est également un refugié du bocage. Dominique Taffoireau, teinturier, est le neveu du notaire de Moncoutant François Beliard.

Plan du château d’Availles à François. Extrait du cadastre de 1830. AD 79
Signature de Pierre Louis Puichaud-Girard sur l’acte de naissance de son fils. AD79 François Naissances An 2 – an 10. Vue 10/61

La mère du jeune Pierre Sans-culotte mourra des suites de l’accouchement le 30 septembre 1794. Il est à noter que l’on trouve comme signataire de l’acte de décès un autre réfugié du bocage :

  • Alexis Cottenceau (1759-1814), commerçant  originaire de Largeasse,  alors cultivateur réfugié à Cherveux, frère de Dominique Cottenceau officier municipal républicain lui-même assassiné par les vendéens en juillet 1794 à l’Absie
Signature d’Alexis Cottenceau sur l’acte de décès de Renée Françoise Colombe Girard. AD 79 François Décès An 2 – an 10 Vue 9/48

Pierre Sans-culotte Puichaud décèdera en juin 1801 à Moncoutant probablement emporté par une maladie infantile.  Son père fait partie de l’histoire du château de Pugny puisqu’il en achètera vers 1805 les terres et les ruines après avoir acquis celles de Chateauneuf de Largeasse.

Marie Antoinette Savin

Dans un tout autre environnement est née le 1er octobre 1794 à  Châtillon sur Sèvre (Mauléon) Marie Antoinette Savin, fille d’Augustin Savin et de Jeanne Texier. Les parents de la petite fille sont de la paroisse de Pugny et réfugiés à cause de « la proximité de l’ennemi ». Pugny subit alors les raids des troupes républicaines du camp de Largeasse, construit dans l’été 1794 pour limiter les incursions vendéennes en Gâtine.  Le père du bébé est probablement combattant vendéen. Il donne à sa fille le prénom de l’ancienne reine de France guillotinée un an auparavant. Le parrain est Pierre André Poignant, officier vendéen et la marraine sa sœur Marie Louise Poignant, veuve de Clément Cendre, ancien régisseur du château et maire de Pugny « tué par les républicains » (guillotiné à Niort début 1794 comme chef vendéen). Tous les deux sont nés au château de Pugny et étaient des domestiques du marquis de Mauroy  émigré en Allemagne depuis 1792. Il est probable que ces réfugiés vivaient alors dans les ruines de Châtillon, détruite en 1793.

Voici la transcription corrigée de cet acte de baptême exceptionnel :

L‘an de grâce 1794 et le 1er octobre a été baptisée par moi soussigné curé de la Trinité une fille née de ce jour du légitime mariage d’Augustin Savin, domestique, et de Jeanne Tessier ses père et mère de la paroisse de Pugny et réfugiés dans ce pays-ci à cause de la proximité de l’ennemi. Elle a été nommée Marie Antoinette par le sieur André Poignant et demoiselle Marie Louise Poignant sa sœur veuve de Clément Cendre, tué par les républicains (rajouté à l’entre ligne), qui ont été parrains et marraines. la marraine a signé avec nous, le parrain ainsi que le père ont déclarés ne savoir signer de ce requis. 

Signatures : Marie Louise Poignant veuve de Clément Cendre, Perrinet (curé)

La jeune Marie Antoinette n’a pas survécu à cette époque troublée, et son père décédera en juillet 1795.

AD79 Mauléon. BMS registre de catholicité 1794- an 10. Vue2/85

Tout oppose ces deux bébés : les opinions politiques de leurs familles, leur condition sociale, leur prénom. Mais ils sont cependant liés par le triste destin d’enfants de réfugiés dont les conditions  de  naissance illustrent la tragédie de la guerre civile vendéenne.

J-P Poignant

Merci à M. Robert Girard et à Mme Jackie Leroy, correspondants de Généanet qui m’ont fait découvrir les circonstances de la naissance de Pierre Sans-culotte Puichaud.

Merci a Christian Boche dont le travail généalogique m’a permis de  découvrir l’acte de naissance de Marie Antoinette Savin.