L’abbé Guillon : 3ème partie. Prisonnier des républicains

Après la fin tragique de la révolte de Moncoutant- Châtillon-Bressuire le 24 août 1792, Pierre Michel Guillon est recherché comme un des auteurs des troubles.

Après plusieurs semaines d’errance, il est arrêté par la garde nationale de Saint Hilaire de Voust, en Vendée , le 23 septembre 1792.

Le donjon de Niort en 1813. Photo du musée d’Agesci Wiki-Niort

Emprisonné à Niort dans le donjon, il est sous le coup de deux accusations :

  • la participation à un attroupement dans le but  d’occasionner des troubles avec une mise en accusation par le tribunal criminel des Deux-Sèvres à Niort (ancêtre des cours d’assises).
  • une nouvelle loi ultra-répressive votée le 26 août 1792 contre les prêtres réfractaires qui sont désormais tous bannis de France, ont 8 jours pour quitter le département où ils résident et 15 jours pour quitter le pays. Ils doivent impérativement se présenter aux autorités locales de leur district pour déclarer vers quelle destination étrangère ils souhaitent partir. A défaut, c’est la déportation systématique en Guyane qui sera prononcée. C’est au directoire du district de Bressuire de déterminer si l’abbé Guillon est concerné par cette loi.
Loi du 26 août 1792 de déportation des prêtres réfractaires

L’abbé Guillon est accompagné dans sa captivité dans les cachots du donjon de Niort par environ 150 compagnons d’infortune dont une dizaine d’habitants de Pugny et de proches du château, ainsi que 2 autres prêtres :

  • Louis Hulé, curé de Largeasse
  • Charles Gabriel Dury, curé de Saint Sauveur de givre en mai

Le tribunal criminel de Niort de la fin de 1792 s’est avéré relativement clément  dans la répression de l’insurrection du mois d’août, surtout si on le compare à ce qui se passera un an plus tard. Du 8 octobre à fin décembre, la plupart des prisonniers sont relâchés sans jugement. 40 sont acquittés par le tribunal, 5 sont condamnés à mort. 3 seront exécutés au printemps 1793, après le début de l’insurrection vendéenne.

Parmi les acquittés du 22 décembre, les abbés Guillon et Hulé. Mais ils sont renvoyés devant les autorités du district de Bressuire sous escorte de gendarmerie pour vérification de leur assujettissement à la loi du 26 août. L’abbé Dury est quant à lui acquitté le 23 décembre mais immédiatement expulsé hors de France.

Décision d’acquittement de l’abbé Guillon évoquée lors de la séance du Conseil Général des Deux-Sèvres le 22 décembre 1792. AD79 dossier L 185

On ignore comment le transfert des abbés Guillon et Hulé s’est effectué. Toujours est-il que Michel Guillon a pu s’échapper et replonger dans la clandestinité.

Louis Hulé a eu moins de chance. Resté prisonnier, il sera transféré à la Rochelle pour être déporté et y sera massacré sur le vieux port par la foule fanatisée le 21 mars 1793 avec les curés de Noirlieu, Noirterre et La Chapelle Gaudin, ainsi que 2 religieux de Saint Laurent sur Sèvre. A cette date,  la guerre de Vendée vient de se déclencher et les troupes républicaines basées à la Rochelle viennent d’essuyer une cuisante défaite à la bataille de Pont Charrault (19 mars, commune de l’Oie en Vendée).

 

Qu’est devenu l’abbé Guillon à partir du début 1793 ? L’abbé Mulon, dans son histoire de Pugny publiée en 1980, indique qu’il a vécu caché à la Guibaudière dans la famille Drillaut.

« Laissant le presbytère à la garde de sa fidèle servante, Marie Rose Laperrière. Puis confiant son église au sacristain Pierre Grellier, il va se réfugier dans la métairie de la Guibaudière (à 1 km du bourg de Pugny) alors exploitée par les époux Drillaut. La femme, Jeanne Chabot, avait été nourrice des enfants de Mauroy… … Le mari, avait astucieusement aménagé dans le grenier un réduit éclairé par une petite ouverture dans le toit de la maison  : c’était un refuge sûr en cas de danger. L’abbé Guillon devait, grâce à cette cachette, échapper à toute les recherches… Les ornemants et les vases sacrés qu’il avait emporté avec lui avaient été déposés dans un grand coffre enfoui sous une ouche face à l’entrée de l’habitation. De temps en temps, pour éviter les méfaits de l’humidité, on extrayait les vêtements de leur cache afin de les exposer au soleil, tandis que les quatre filles Drillaut faisaient le guet pour prévenir toute surprise… ».

Nous verrons dans un prochain épisode que la version de l’abbé Mulon, est certainement inexacte. L’analyse détaillée des registres paroissiaux de l’abbé Guillon (AD 79 commune de Pugny, actes de catholicité 1792-1804) nous permettra d’y voir plus clair…

J-Philippe Poignant

Un grand merci à notre ami Richard Lueil qui m’a fait parvenir les copies de l’acte d’acquittement de l’abbé Guillon par le tribunal,  criminel de Niort (AD79 dossier L 185).