L’abbé Guillon 2ème partie : de la révolution à la révolte.

On ne peut pas évoquer la vie de l’abbé Guillon à partir de la révolution sans s’arrêter sur le contexte historique et religieux de cette période.

De la révolution à la répression religieuse.

Une des causes de la révolution de 1789 est une grave crise financière de l’état qui a obligé Louis XVI à convoquer les états-généraux. L’assemblée nationale révolutionnaire qui en est issue décide le 12 juillet 1790 de nationaliser les biens de l’église pour renflouer le trésor royal. En compensation, le clergé doit alors être payé par l’état.

1ère page du décret sur la constitution civile du clergé du 12 juillet 1790.

Mais ce bouleversement est de plus accompagné de très nombreux changements imposés à l’organisation de l’église : suppression des ordre religieux, des abbayes et des couvents, suppression de nombreuses petites paroisses, dont probablement Pugny, refonte des diocèses avec un évêque par département, élu ( y compris par les non-catholiques) et non pas nommé par le pape (celui des Deux Sèvres est élu en novembre 1790) .

De plus comme les prêtres sont désormais des fonctionnaires d’état, il est désormais exigé d’eux un serment d’obéissance à la constitution et au gouvernement révolutionnaire.

Assiette de 1791 qui commémore le serment du clergé à la constitution.

C’est à partir de janvier 1791 que ce serment doit être prêté en public par l’abbé Guillon. D’après les recherches conduites par notre ami Pascal Paineau, Pierre Michel Guillon est le seul prêtre des environs de Moncoutant à refuser d’emblée  la prestation de serment. En mars de la même année, le pape Pie VI rejette la constitution civile du clergé et demande aux prêtres d’y résister. De nombreux curés et vicaires du bocage se rétractent alors de leur serment, confortant l’abbé Guillon dans son choix initial. Selon la loi, ceux qui refusent sont considérés comme ayant renoncé à leur paroisse et doivent être remplacés.

Pie VI, pape de 1775 à 1799. Arrêté par les armées révolutionnaires françaises, il est mort prisonnier à Valence (Drôme).

Pendant ce temps, les biens des abbayes et des couvents sont mis aux enchères. La très riche abbaye de l’Absie est démantelée et ses métairies de Largeasse, La Chapelle Saint Etienne et La Chapelle Saint Laurent  achetées par des bourgeois et notables partisans de la Révolution, dont Pierre Louis Puichaud-Girard, de Moncoutant, qui deviendra plus tard propriétaire du château de Pugny.

Du fait des tensions religieuses, la paysannerie du bocage devient petit à petit majoritairement hostile à la Révolution. Au printemps 1791, l’arrivée de nouveaux prêtres assermentés (les « intrus ») alors que les anciens prêtres réfractaires sont toujours en place, renforce l’agitation. Les messes des nouveaux prêtres sont alors désertées par la population, qui se reporte sur celles des anciens prêtres avec des églises bondées.

Le 2 mai 1791, une première révolte contre la réforme du clergé fait 3 morts à Saint Christophe du Ligneron (Vendée). Face à ces tensions le gouvernement et l’assemblée nationale hésitent et décident d’envoyer en Vendée 2 députés, Gensonné et Gallois,  qui sont chargés d’observer la situation, de faire un rapport et des préconisations. Début  août 1791, plusieurs dizaines de paysans de Saint Aubin de Baubigné envahissent les locaux du district de Châtillon sur Sèvre (Mauléon) pour protester contre la vente du presbytère de leur curé.

Gensonné et Gallois, se rendent immédiatement sur place et reçoivent toutes  les municipalités du district dont Pugny. Il leur est fait la demande de ne pas changer les prêtres qui ont refusé le serment et de respecter la liberté religieuse. Les autorités locales révolutionnaires (district et département) ont une position beaucoup plus dure qui vise à expulser de leur ancienne paroisse les prêtres réfractaires.

Les deux commissaires font un rapport très modéré et favorable à une grande tolérance pour apaiser les tensions. Mais des élections ont eu lieu à la fin de l’été et depuis le premier octobre 1791, l’assemblée législative remplace l’assemblée nationale constituante issue des états généraux de 1789. C’est hélas la logique répressive qui l’emporte et en novembre 1791, est voté une série de textes qui interdit aux prêtres réfractaires d’utiliser les églises, les déclare suspects et permet  de les obliger à quitter leur paroisse.

Gensonné et Gallois. Ces deux députés firent à l’été 1791 un rapport apaisant sur les tensions religieuses en Vendée et Deux Sèvres. Ils ne furent pas écoutés par l’assemblée législative.

Le roi Louis XVI, très affaibli politiquement par sa tentative de fuite de juin 1791, met son veto. Mais les extrémistes révolutionnaires renforcent leur pouvoir pendant l’hiver. Le 26 mai 1792, l’assemblée législative décrète que tout prêtre réfractaire occasionnant des troubles et dénoncé par vingt citoyens pourra être expulsé de France.

L’abbé Guillon passe dans la clandestinité.

Pendant cette période d’agitation l’abbé Guillon est resté fidèle à son poste. Comme il n’est pas remplacé, il continue son activité comme d’habitude. On note bien de plus en plus d’actes paroissiaux qui concernent  des habitants d’autres paroisses qui n’ont plus de curé agréés par le pape (Courlay, Moncoutant…)

Le 23 avril 1792, confronté aux mesures répressives des autorités révolutionnaires, Michel Guillon signe un dernier acte avant de plonger dans la clandestinité. L’église de Pugny est fermée et il n’y a officiellement plus personne pour baptiser les enfants, effectuer les mariages ou une sépulture religieuse.

Mais l’abbé Guillon n’est probablement pas loin. Selon l’abbé Mulon dans son « Histoire de Pugny » parue en 1980, il semble qu’il s’est réfugié au village de la Guibaudière , à 1 km du bourg, protégé par le fermier Drillaut et plus largement par la grande majorité de ses paroissiens.

La tension politique s’accroît pendant l’été 1792. Le pays est désormais en guerre depuis avril et le gouvernement a besoin de troupes à envoyer aux frontières. Il est fait un grand appel aux volontaires, qui s’ils ne sont pas assez nombreux, seront tirés au sort parmi les jeunes célibataires.

Pour répondre  à la demande de la population et sans doute aussi par esprit de défiance envers les autorités, une grande messe clandestine en plein air à lieu le dimanche 12 août. Selon notre ami Pascal Paineau, l’abbé Guillon est très certainement un des prêtres qui y officie dans un champ probablement situé au cœur du triangle que forment Moncoutant, Pugny et Chanteloup. En quelques mois, le clergé catholique se retrouve dans la situation des pasteurs protestants d’avant la révolution, obligés d’officier en rase campagne.

On apprend dans la semaine qu’à Paris, le roi Louis XVI a été renversé le 10 août par une émeute révolutionnaire. Le dimanche  19 août doit avoir lieu le tirage au sort pour aller aux armées. A Moncoutant la situation dérape avec la révolte de plusieurs centaines de paysans. Les autorités révolutionnaires sont désarmées et molestées, les locaux municipaux pillés. Le tocsin sonne dans 40 paroisses alentours appelant à la révolte. Le mardi 21 août un rassemblement de plusieurs milliers d’insurgés s’effectue au château de Pugny et se porte sur la Forêt sur sèvre, Châtillon puis Bressuire. Le vendredi 24 août,  les troupes révolutionnaires dispersent la colonne des paysans révoltés aux Moulins Cornet de Bressuire. Les combats ont fait au moins 200 morts. En représailles au rassemblement qui s’y est produit, le château de Pugny est pillé et incendié par des gardes nationaux.

Nous ne savons pas si l’abbé Guillon a participé aux combats de Bressuire avec les insurgés. Toujours est-il qu’avec la répression et la reprise en main des autorités, il est vivement recherché comme un des auteurs des troubles.

La suite au prochain épisode…

J-Philippe Poignant