L’enfer des guerres de Vendée à Pugny (1792-1795) : 2ème partie

Après avoir découvert dans les 24 actes transcrits en 1795 par l’abbé Guillon les noms de 4 victimes  d’une colonne républicaine en octobre 1793, nous allons désormais évoquer de nouvelles exactions en avril 1794.

3ème catégorie d’actes retranscrits : les victimes de la colonne républicaine qui a détruit le bourg de Pugny en avril 1794. 

5 actes du registre paroissial concernent 5 inhumations en avril 1794.

  • Louis Fradin (60 ans) du bourg de Pugny, inhumé le 10 avril, « mort de la veille ».
  • Pierre Neau (48 ans) sabotier du bois de Chanteloup de Pugny, inhumé le 12 avril, « mort de ce matin ».
  • Jacques Baudin (45 ans) du bourg de Pugny, inhumé le 12 avril, « mort de ce matin ».
  • Louis Renaudeau (54 ans) métayer à la Maupetitière de Pugny, inhumé également le 12 avril, « mort de ce matin ».
  • François Boche, menuisier à la Foucadière de Largeasse.  Cet acte est à part et plus confus que les précédents. Il mentionne un événement de 1795 mais est regroupé avec ceux de 1794, ce qui nous laisse penser qu’il s’agit d’une erreur de datation. L’inhumation aurait eu lieu en « avril dernier » et malgré le risque d’erreur nous le rattachons à ce groupe.

Dans quelle circonstances ces 5 hommes sont-ils décédés?

Pour Louis Fradin, on sait que sa maison du bourg a été été brûlée en avril 1794. L’incendie à cette période est mentionné dans le registre d’indemnisation des destructions de la guerre de Vendée de 1811 (AD 79, cote M606). Son fils René Fradin fait partie des propriétaires qui avaient alors sollicité une aide à la reconstruction. Louis Fradin aurait-il été tué lors de l’incendie du bourg qui a détruit sa maison? C’est une hypothèse qui ne manque pas d’arguments. Le 27 juin 1816, une pension de 50 francs sera attribuée à sa femme Catherine Paynot surnommée Bardonnière comme veuve de guerre (liste de pension pour la commune de Chanteloup, AD 85 en ligne SHD XU-39-24)

Extrait de la demande d’indemnisation de René Fradin en 1811 (AD 79 M606) indiquant la date de destruction de la maison familiale.

Pierre Neau, Jacques Baudin, et Louis Renaudeau, le 12 avril, sont mentionnés comme morts le matin du jour de leur inhumation. Cette mention semble faire référence à une exécution ou à un combat (les enterrements à l’époque se faisaient le lendemain ou le surlendemain du décès). Étaient-ils otages ?  Ont-ils été surpris par une patrouille alors qu’ils se cachaient  ? Ont-ils attaqué un détachement pour protéger la fuite de  leurs proches? Nous ne le saurons probablement jamais. La veuve de Pierre Neau bénéficiera également d’une pension de 50 francs en 1816 (liste pour la commune de Pugny, références déjà citées).

Actes de sépulture de Jacques Baudin et Louis Renaudeau. AD79 Pugny BMS 1792-1804 Vue 4/175

Par un témoignage oral, nous savons que jusque dans les années 1940, une porte criblée de balles demeurait dans le jardin de la ferme du Logis, dans le bourg  de Pugny. Les enfants avaient pour consigne stricte de ne pas y toucher. Était-ce un vestige de cette triste journée du printemps 1794 ?

Voici des précisions biographiques pour ces 5 hommes.

Louis Fradin (1736-1794) : fils de Jacques Fradin et Marie Branchu,  couple protestant particulièrement réfractaire à la conversion. Le mariage de sa fille Marie Anne avec Louis Texier en août 1793 fait partie des 24 actes retranscrits en 1795 par l’abbé Guillon. Par sa femme Catherine Paynot, il est l’oncle maternel du célèbre combattant Jacques Maupillier, devenu le héros de la cinéscenie du Puy du Fou. Nous avons déjà publié sa biographie ici.

Pierre Neau (1748-1794) : sabotier né le 19 mai 1748 à Terves,  marié le 8 avril 1777  à Chanteloup avec Jeanne Jamin ( décédée en 1827 à Pugny). Ils eurent ensemble 6 enfants de 1778 à 1792.

Jacques Baudin (vers 1749-1794) : nous n’avons pas pu l’identifier avec certitude. Il y a deux hommes du même nom nés en avril 1748 à Chanteloup et Moncoutant. Cependant la présence comme témoin de Pierre Martineau (1769-?) probablement soldat vendéen de Chanteloup, laisse à penser qu’il s’agit de Jacques Baudin né le 1er avril 1748 à Chanteloup. Nous n’avons pas pu trouver de conjoint ni d’enfants.

Louis Renaudeau (vers 1740-1794) : métayer marié le 22 janvier 1764 à Largeasse avec Perrine Auger ( décédée en 1809 au Breuil Bernard). Ils eurent ensemble 11 enfants.

François Boche ( 1756-1794) : nous avons pu l’identifier car son beau-frère Jacques Perrochon est mentionné comme témoin de l’inhumation. Né le 8 février 1756 à Largeasse, il est le fils de Mathurin Boche, décédé en 1785, qui fut « garde des terres de  Pugny ». Il semble ne s’être jamais marié.

Carte avec les domiciles des 5 victime et l’emplacement de la bataille de Boismé le 18 avril 1794.

La date de la mort de ces 5 hommes est à rapprocher de la bataille de Boismé qui a eu lieu le 18 avril 1794 (jour du vendredi saint). Ce jour là, une colonne républicaine de plusieurs centaines de soldats, dont de nombreux hussards,  a été décimée par les vendéens du général  Marigny et des frères Texier de Courlay.  Nous avons déjà évoqué ces événements ici. 

Dans son livre  » Marigny ou la mémoire assassinée »  paru en 1998, Stéphane Hiland évoque les faits suivants page 150   : début avril 1794, Marigny et son armée combattent en Anjou avec Stofflet. Le 13 avril, les poitevins retrouvent leurs quartiers de Cerizay. Marigny n’y séjourne que quelques heures… il poursuit sa tournée d’inspection des paroisses du bressuirais … Le 14, Montigny est visitée ainsi que la Chapelle Saint Laurent où Marigny passe la nuit. Le lendemain, on atteint Secondigny puis la Boissière (probablement Thouarsaise). Une troupe républicaine venue à la rencontre des soldats poitevins est entièrement décimée ( selon Chassin, « La Vendée patriote », volume 4 , page 499).

Chassin s’est apparemment trompé sur la localisation de la bataille de Boismé et de trois jours sur sa date. Mais cet extrait indique clairement qu’à peine revenu d’Anjou, Marigny s’est dirigé vers la Chapelle Saint Laurent. Ce mouvement de troupes semble avoir eu pour objectif  d’arrêter les exactions du détachement républicain qui avait notamment incendié Pugny et probablement tué nos 5 hommes.

Stéphane Hilland donne également  page 151 de son livre les  détails suivants sur la bataille de Boismé : en poursuivant les hussards qu’il vient de décimer lors de la première partie de la bataille, Marigny « a la désagréable surprise de tomber face à face avec le gros des forces patriotes commandées par le général Amey. Celui-ci, venu de Niort, était occupé à brûler les métairies des environs … ». Finalement Amey est mis en fuite par des forces bien inférieures en nombre.

François Pierre Amey (1768-1850), général républicain puis d’empire, nommé baron par Napoléon, a son nom gravé sur l’arc de triomphe. Il est un des généraux connu pour ses exactions criminelles pendant les guerres de Vendée (même si une partie des massacres qui lui sont attribués semblent avoir été « inventés » au XIXème siècle).

Par des demandes de pensions d’anciens combattants effectués à la restauration, nous savons que des combattants de Pugny étaient   aux côtés de Marigny à Boismé. Dans le récit de ce combat paru en 1874, l’abbé Augereau, curé du Boupère, mentionne qu’après la bataille on acheva un cavalier républicain blessé  qui refusait de se rendre. On trouva sur lui une belle somme d’argent  issue des pillages de son détachement…

A bientôt pour la troisième partie de cet article. 
J-Philippe Poignant
Merci à tous les amis de notre groupe d’historiens chercheurs amateurs, dont notamment Nadine qui a publié en avril 2017 le texte de l’abbé Augereau sur la bataille de Boismé  (http://shenandoahdavis.canalblog.com/archives/2017/04/30/35221269.html)