5ème partie. Une famille de Pugny aux origines protestantes : René Fradin (1774-1823)

Né dans le bourg de Pugny

René Fradin est né le 2 mai 1774

4ème enfant et 1er fils du couple Louis Fradin & Catherine Paynot, le parrain est Pierre René Molliex, cuisinier du château de Pugny.

2 mai 1774 Acte de baptême de René Fradin

Alors que lors du mariage en 1768, Louis Fradin était mentionné comme marchand, en 1774 il serait devenu bordier (fermier d’une petite exploitation agricole), ce qui semble représenter une descente dans l’échelle sociale de l’époque. Aurait-il fait de mauvaises affaires?

Un jeune combattant vendéen ?  

On sait peu de choses sur René Fradin avant son mariage en 1795. A-t-il été combattant des guerres de Vendée avant cette date? Un faisceau d’indice le laisse supposer :

  • Son beau frère Pierre Rouault, menuisier dans le bourg de la Chapelle Saint-Laurent, était un des membres les plus écouté du comité royaliste de la paroisse (Maurice Poignat, Histoire de La Chapelle Saint Laurent, page 61).
  • Son autre beau frère Antoine Archambault,  également menuisier à la Chapelle Saint Laurent,  fut également membre du comité royaliste et soldat vendéen (Maurice Poignat, même source);
  • Son cousin germain Jacques Maupillier, fut un combattant si fameux à Boismé que la jeune Louise de la Rochejaquelein le dessina en 1826 debout le fusil à la main car  » il ne l’a jamais quitté ». C’est lui qui a inspiré Philippe de Villiers pour la cinéscénie du Puy du Fou.
  • Son père Louis Fradin a été tué en avril 1794 par une colonne républicaine qui a incendié le bourg de Pugny.

Un mariage dès la paix retrouvée

Le 16 juin 1795, René Fradin  s’est marié à La Chapelle Saint Laurent avec Catherine Mesnard  (1771-1796). Il y est mentionné comme cabaretier.Ce mariage se fait à l’église devant l’abbé Gautier alors que la paix et la liberté religieuse règnent sur le bocage depuis seulement quelques semaines, les dernières destructions identifiées sur Pugny datant d’octobre 1794. La paix de Saint Florent le Vieil a été conclue par Stofflet avec les autorités républicaines le 2 mai. Ce choix indique bien la position de la famille Fradin  du côté des insurgés vendéens.

16/06/1795 Acte de mariage de René Fradin et Catherine Mesnard à La Chapelle Saint Laurent

Orpheline de père et mère, Catherine est descendante de familles  de marchands et de petits notables du bocage. Elle est de ce fait la petite cousine des familles Puichaud de Moncoutant et Cottenceau de Largeasse, qui elles sont extrêmement républicaines. La guerre civile a  déchiré bien des familles…

Le 28 août 1796, à Pugny naît de cette union une fille, Marie Madeleine. Malheureusement, la mère ne se remet pas et meurt le 14 septembre.

Le 4 septembre 1797 a lieu à Paris le coup d’état du 18 fructidor an V qui relance la persécution religieuse et les troubles en Vendée. A l’été 1798, les autorités républicaines de la Chapelle Saint Laurent s’efforcent de faire rentrer  les impôts coûte que coûte malgré la misère, l’hostilité générale  et les ruines dans lesquelles vit la population.

Meneur d’une émeute fiscale 

C’est dans ce contexte que le 30 fructidor an VI (16 septembre 1798), un bande de 90 contribuables furieux  envahit la maison du percepteur Roy …

« avec un air menaçant que là animés par quelques individus à leur tête, ils se sont déchaînés en injures contre le gouvernement républicain, contre l’administration municipale et le commissaire près d’elle, ainsi que contre les républicains amis des loix ; qu’il ont publiquement déclaré qu’ils ne voulaient payer aucune imposition et que ceux qui payeraient les premiers, auraient à faire à eux… »

« … Qu’à la tête de cet attroupement on a surtout signalé les nommés François Niort fermier au Boislemay et François Frouin bordier à la Loge, commune de la Chapelle St Laurent  ; René Fradin garde-champêtre de la commune de Pugny et Caduc de la Martinière commune de Chanteloup, qui tous les quatre paraissaient conduire les autres et les révolter conte la rentrée des impositions par les discours les plus incendiaires qu’ils tenaient … »

« Qu’après être sortis de la chambre du percepteur ils ont encore formé divers attroupements dans le bourg de la Chapelle St Laurent pour arrêter ceux qu’ils croyaient disposés à venir payer ; qu’ils se sont ensuite réunis à l’auberge des trois marchands chez le nommé Giret boulanger, refuge ordinaire de ceux, qui n’aiment ni la République ni ses loix (note en marge  : «  et qui lui-même faisait partie de l’attroupement  ») ; que là ils se sont encore déchaînés contre le gouvernement actuel, qu’ils ont taxé d’injustice ;
Qu’ils ont ensuite fait menacer le citoyen Beaudet commissaire du directoire qu’il n’existerait pas longtemps, qu’ils lui en voulaient particulièrement ;
Que les cinq principaux de cet attroupement étaient autrefois les membres des comités des rebelles vendéens … » (Extraits AD79, L 228.) 

C’est ainsi que nous apprenons que René Fradin était en 1798 garde-champêtre de Pugny, qu’il était un des meneurs de cette émeute fiscale et qu’il était identifié par les autorités locales comme un ancien rebelle vendéen.

Un mariage et neuf enfants

Le 23 janvier 1799, René Fradin s’est remarié à Neuvy-Bouin avec Rosalie Grellier, elle aussi veuve d’une première union avec également une fille née en 1794.. Le couple aura 9 enfants tous nés à Pugny en 1799, 1801, 1802,1806, 1807, 1808.1810, 1811 et 1813. Seule Marie Modeste, née en 1801,  décède en bas âge à 15 mois.

Tableau de la famille de René Fradin

Le 12 brumaire an VIII ( 3 novembre 1799) on trouve René Fradin qui tient le premier registre d’état-civil de Pugny post-guerre de Vendée. Il y est identifié comme marchand de vin.

Il devient maire de Pugny de 1803 à 1805, puis sera mentionné en 1811 comme percepteur, ce qui est un comble pour celui qui a mené un soulèvement anti-fiscal !

Encore veuf, dernier mariage

En novembre 1813, alors que le dernier de ses fils a seulement 5 mois, Rosalie Grellier meurt à Pugny et laisse René Fradin veuf avec à sa charge 10 enfants dont l’ainée, fille du premier mariage de Rosalie,  a seulement 19 ans.

En janvier 1815, Marie Madeleine, fille âgée de 19 ans issue de l’union de René Fradin et Catherine Mesnard, se marie à Pugny avec Jacques Beaujault, âgé de 21 ans, qui habite avec ses parents au château de Pugny depuis environ 1810.

René Fradin se remariera le 19 août 1816 à Moncoutant à Marie Anne Bertonneau, âgée de 43 ans, elle aussi veuve.  Ils n’auront pas d’enfants ensemble.

Après cette date, nous n’avons plus de documents significatifs à produire sur la vie de René Fradin, jusqu’à son décès à Pugny le 29 septembre 1823, à l’âge de 49 ans. Sont témoins à l’acte de décès son fils Jean-Baptiste, son frère Joseph, son beau-frère Antoine Archambault et sa sœur Véronique.

Avec cette disparition s’arrête notre étude sur les Fradin, famille d’origine protestante de Pugny.

Le grand père Jacques (v1679-*1759) converti de force, est resté opiniâtre dans sa résistance  à l’église catholique.

Son fils Louis (1736-1794), officier municipal, élevé dans le catholicisme, a été tué par les troupes républicaines lors de la destruction du bourg de Pugny en avril 1794.

Le petit fils René (1774-1823), 5 ème maire de Pugny, a passé sa jeunesse dans le tumulte des guerres de Vendée avant d’être un des meneurs en 1798 d’un soulèvement fiscal à La Chapelle Saint Laurent.

La vie de ces trois générations illustre bien la période la plus agitée de l’histoire de notre bocage.

Plusieurs descendants des Fradin habitent encore Pugny. Leur descendance est de plusieurs milliers de personnes dont beaucoup habitent encore les Deux-Sèvres.

J-P Poignant

Merci à tous ceux qui m’ont aidé et fourni de précieuses informations pour cette suite d’articles sur les Fradin.

Pour la biographie de René Fradin,  un merci tout spécial à Richard Lueil, qui a redécouvert aux archives départementales l’évocation de l’émeute de 1798 et m’a fait profiter de sa découverte.  Un article complet évoque ces événements sur son blog « Chemins secrets ».

http://chemins-secrets.eklablog.com/insurrection-contre-les-impots-en-1798-a148213630