L’évaluation des victimes des guerres de Vendée est un sujet sensible qui a donné lieu à des estimations incroyablement diverses qui vont de 120 000 à 600 000 morts et disparus.
Paru en 2007, le livre de l’historien démographe Jacques Hussenet « Détruisez la Vendée » est devenu la référence dans ce domaine. Il établit la fourchette ci-dessous (hors soldats de l’armée républicaine) soit des chiffres représentant de 20 à 25% de la population de la Vendée militaire de 1791 (735 communes).

Le livre de Jacques Hussenet fournit également des données chiffrées pour chaque commune qui permettent d’avoir une vision locale assez précise de l’impact de la guerre.
Mais on imagine difficilement aujourd’hui ce qu’a subi la population des alentours de Pugny de 1792 à 1795. C’est pourquoi, pour illustrer clairement les conséquences de cette période terrible, nous allons établir la comparaison entre l’évolution de la population de Pugny et ses environs de 1793 à 1821 avec un échantillon pratiquement équivalent de population de communes rurales du sud Deux Sèvres.
Les chiffres par communes proviennent de Wikipédia et sont issus de la base Cassini du laboratoire démographique de l’école des hautes études en sciences sociales (EHESS). Jacques Hussenet a préféré utiliser d’autres données provenant des archives départementales et notamment le recensement de 1791, estimant que celui de 1793 est biaisé puisque effectué alors que la révolte vendéenne battait déjà son plein. Il y a effectivement 641 habitants de plus sur l’échantillon nord en 1791 par rapport à 1793 (et 37 de moins pour Pugny). Nous sommes partis du principe que le risque d’erreur en 1793 était de même ampleur pour les communes du sud et celles du nord, et donc n’avait pas d’impact sur la comparaison. De plus, les chiffres de 1791 ne font qu’amplifier notre démonstration…


On constate tout d’abord sur Pugny et ses environs une grande variété de chiffres d’une commune à l’autre. Il semble que le sud ouest de la zone, soit La Chapelle Seguin et la Chapelle Saint Etienne, ait été épargné et ait servi de refuge. Au nord, la commune de Bressuire a été complètement détruite et sa population évacuée, d’où une chute très importante encore marquée trente ans après.
Courlay et Saint Jouin de Milly ont subi également des pertes considérables, ces communes étant au bord de la zone nord ouest des Deux-Sèvres (Cerizay, Mauléon…) qui a subi le plus de combats et de massacres.
Pugny fait partie de l’angle sud-est de la Vendée militaire. On peut voir que c’est la commune de sa zone qui a subit les plus grandes pertes devant Clessé et Neuvy-Bouin. 30 ans après, Pugny, qui avait pratiquement été totalement détruite, accuse une baisse d’encore 16% de sa population. Pugny ne s’est jamais complètement relevée de ses ruines et de la destruction du pôle d’attraction local qu’était le château. Enfin, il est à noter que la zone de Pugny et des alentours est dans la moyenne des pertes constatées par Jacques Hussenet sur l’ensemble de la Vendée militaire. Il y aura fallu plus de 30 ans pour retrouver la population initiale.

Sur la zone sud, on constate comme au nord une grande variété de chiffres d’une commune à l’autre. Cependant la population moyenne évolue positivement de 2% entre 1793 et 1800, 6% entre 1793 et 1806, et 17% entre 1793 et 1821, marquant un écart énorme et durable avec la zone de Pugny.

La comparaison des populations nord/sud fait donc ressortir une baisse d’environ 4000 personnes en 1800 pour Pugny et ses environs soit 25 % de la population de 1793. Ces 4000 « absents » se répartissent entre les victimes, le déficit de natalité et les réfugiés hors de la zone. Il est à noter qu’en 1800, soit 5 ans après la fin des principaux combats, la plupart des réfugiés étaient rentrés et la natalité était déjà repartie à la hausse.Sur ces bases, il n’est donc pas déraisonnable, d’évaluer les victimes de la guerre de Vendée pour les environs de Pugny dans une fourchette de 3000 à 4000 personnes.
On ne peut qu’être effrayé des effets très marqués qu’a eu cette saignée jusqu’à plusieurs décennies après la guerre. Il s’agit bien de la plus grande catastrophe connue pour tout le bocage bressuirais.
J-P Poignant